Comme bon nombre d’entre vous, je continue de travailler de chez moi et je passe la majeure partie de ma journée devant un écran d’ordinateur. Et si je ne participe pas à une énième réunion Zoom, on peut me trouver les yeux rivés sur l’écran de mon téléphone en train de consulter les pages de mes fils d’actualité (ce qui n’est jamais rapide). Selon les dernières recherches, je suis la preuve vivante qu’en moyenne, une personne regarde ou balaie son écran plus de 300 fois par jour. Une étude de marché de Nielsen a par ailleurs révélé que nous utilisons nos téléphones plus de quatre heures par jour.
Ces téléphones intelligents sont devenus des « ordinateurs de poche » qui nous permettent de travailler et de rester en contact avec nos collègues, nos amis et notre famille où que nous soyons dans le monde. Nous pouvons faire des recherches sur presque n’importe quel sujet en quelques clics, jouer à des jeux, envoyer des vidéos et des messages textes. Nous avons tellement appris en tapotant simplement sur un écran.
Daniel Levitin, un neuroscientifique renommé œuvrant à l’Université McGill, a été l’un des premiers scientifiques à caractériser notre interaction sur les plateformes de réseaux sociaux comme une dépendance neuronale. Notre besoin quotidien de vérifier nos courriels, notre téléphone, Facebook et Twitter active une boucle de rétroaction dans le noyau accumbens, connu comme le centre de plaisir de notre cerveau. Lorsque nous recevons un avis de réception d’un courriel ou d’un « j’aime » sur notre page Facebook ou Instagram, notre cerveau libère un neurotransmetteur appelé « dopamine » et le transmet le long d’une voie de récompense qui nous offre « ce sentiment positif ou cette sensation de bien-être ».
La dopamine est ce fameux neurotransmetteur associé au désir, à la nourriture, à l’amour, au sexe et, oui, au jeu et aux drogues. Cela signifie que chaque fois qu’elle est libérée, la dopamine stimule notre circuit de récompense en nous procurant une satisfaction immédiate. Et comme tout ce qui nous procure du plaisir dans la vie, nous en voulons plus.
Mais ce n’est pas tout. Notre cortex préfrontal, la région du cerveau qui nous permet de prendre des décisions et de porter un jugement, cède en fait au pouvoir de la nouveauté, en avisant notre cerveau qu’il y a quelque chose de nouveau qui vaut la peine d’être examiné.
Imaginez que vous êtes en train d’écrire la dernière page de votre rapport quand soudain votre téléphone sonne, car vous avez reçu un message texte. Votre cortex préfrontal détourne immédiatement votre attention pour la porter sur cette nouvelle « chose » et reçoit une dose de dopamine, la substance chimique qui nous donne cette sensation de bien-être. Vous répondez et vous vous sentez immédiatement récompensé pour avoir détourné votre attention et, au cours du processus, vous oubliez ce sur quoi vous travailliez réellement et en ce faisant, vous développez une accoutumance aux médias sociaux, et adoptez une habitude qu’il est difficile de rompre. M. Levitin soutient que ce fonctionnement en mode multitâche constant crée une boucle de rétroaction liée à la dépendance à la dopamine par laquelle nous récompensons le cerveau d’avoir perdu de vue son objectif en cours pendant qu’il recherche cette nouvelle stimulation.
La recherche a aussi révélé que le pouvoir de la dose de dopamine libérée est également lié à l’importance de l’expéditeur du message. Cela explique pourquoi une bonne amie ne pouvait pas terminer sa phrase au beau milieu de notre conversation, interrompue par la notification qui clignote sur sa montre lui indiquant qu’elle a reçu un courriel; cela explique aussi pourquoi je vérifie mes messages sur mon téléphone quand je me réveille au milieu de la nuit. Voilà un acte plutôt irrationnel ! Si cela peut servir de consolation, selon Dscout, nous sommes plus de 87 % à vérifier nos téléphones entre minuit et 5 heures du matin.
Pour nos enfants, les médias sociaux jouent un rôle prépondérant dans leur vie. Les préadolescents et les adolescents s’épanouissent en établissant des liens avec leurs amis sur les plateformes de médias sociaux, captivés par les « j’aime » et le nombre d’abonnés qu’ils obtiennent sur leur Instagram, Snapchat ou TikTok. Ils envoient constamment des messages textes et reçoivent ce qu’un collègue psychologue pour les jeunes appelle des doses de « dopamine facile ». Voir des adolescents marcher la tête baissée est devenu la norme. Pourquoi? À cause du syndrome FOMO (Fear of Missing Out) : la « crainte obsessionnelle de manquer à l’appel » (COMA ou encore, anxiété de ratage). De nombreux enfants dorment avec leur téléphone ou les cachent sous leur oreiller pour que leurs parents ne remarquent pas qu’ils jettent un coup d’œil aux derniers « j’aime » ou commentaires jusqu’à tard dans la nuit. Ce n’est pas une pratique très saine quand on sait que la lumière bleue d’un téléphone peut nuire à la production de mélatonine qui nous aide à dormir. L’imagerie cérébrale a montré que cette stimulation continue génère des envies de dopamine dans le cerveau, modifiant le circuit de récompense, ce qui pourrait conduire à des changements substantiels dans le développement du cerveau à l’adolescence. En outre, une quantité accrue de données probantes indique qu’une consommation intense de temps d’écran peut avoir une incidence sur l’apprentissage, la mémoire et la santé mentale. (Neophytou, Manwell et Eikelboom, 2019).
Cela vaut la peine de se demander quel genre de relation nous voulons entretenir avec les technologies…
Ce que j’aime moi, c’est leur commodité et leur polyvalence qui me permettent de travailler à distance, mais je ne veux pas qu’elles définissent ma vie. En reconnaissant que nous utilisons la technologie dans nos vies et en étant conscients de cela, nous pouvons décider combien de temps sans aucune distraction nous voulons accorder à notre cerveau et à notre esprit. J’ai mis à l’essai et utilisé un certain nombre de stratégies qui pourraient nous aider à réduire notre temps d’écran et à trouver un meilleur équilibre dans notre vie.
Essayez-en quelques-unes et voyez comment vous vous sentez et comment votre esprit réagit :
En mettant à profit certaines de ces stratégies, il est possible de libérer notre esprit des distractions constantes et de nous permettre de profiter de notre environnement, c’est-à-dire la nature et ceux auxquels on tient le plus.
DRE NICOLE LORETO, PhD, psychologue de la santé, Nicole Loreto est conseillère principale auprès du président et du directeur général de The Royal Ottawa Mental Health Centre. Elle est titulaire d’un doctorat en psychologie de la santé, d’une maîtrise en communication et gestion, et d’une licence en travail social. Nicole apporte une riche expérience en matière de promotion de la santé, de communication, d’affaires publiques et de défense de la santé mentale, y compris les troubles alimentaires et la violence contre les femmes. Elle a passé plus de deux décennies à travailler avec des enfants, des jeunes et des femmes pour développer des parcours de vie plus sains en acquérant de nouvelles compétences, de la confiance et de la résilience. Conférencière passionnée, elle est une fervente promotrice de la psychologie positive, de la résilience et de la relation entre le corps et l’esprit. En tant qu’ancienne vice-présidente des communications et des partenariats à The Royal, Nicole a créé le programme de sensibilisation à la santé mentale Is It Just Me ?, qui a touché plus de 20 000 étudiants, réduisant ainsi la stigmatisation et encourageant les étudiants à chercher de l’aide lorsqu’ils en ont besoin. Nicole et son équipe ont également conçu deux applications, Healthy Minds et Game Ready, qui favorisent le bien-être mental, la résilience et les capacités d’adaptation. Nicole siège à plusieurs conseils communautaires à but non lucratif. Elle est lauréate du prix « 40 Under 40 » d’Ottawa.