Nous en avons tous vu, peut-être même vécu. Vous vous souvenez de l’intimidation dans la cour de récréation : les provocations, l’isolement, le sentiment d’impuissance. Mais que se passe-t-il quand ces comportements blessants, parfois déguisés sous forme de microagressions, se poursuivent à l’âge adulte et se manifestent dans notre lieu de travail? Qu’est-ce que l’intimidation au travail, et comment pouvons-nous y répondre? Octobre est le mois de prévention de l’intimidation, et nous mettons de l’avant les travaux de Janna Comrie, MA, psychothérapeute agréée et experte de LifeSpeak, qui nous éclairera sur ce sujet important.
Bon nombre d’entre nous se souviennent de l’intimidation qui avait lieu à l’école. Que vous ayez été une victime, un témoin ou un intimidateur, nous sommes tous au courant du genre de choses qui se passaient. Les enfants se faisaient traiter de noms, rabaisser, leurs effets personnels leur étaient arrachés ou cachés, des rumeurs se répandaient, certains étaient exclus des groupes ou des clubs, ou choisis en dernier, on retrouvait parfois de la gomme sur leur chaise, ou tous leurs crayons ou leur câble de chargement d’ordinateur leur était volés pour qu’ils ne puissent pas faire les exercices de la journée. Dans votre emploi, vous êtes-vous déjà senti comme si vous aviez de nouveau 8, 12 ou 15 ans? Et qu’au travail vous ressentiez de l’insécurité et de l’impuissance? C’est peut-être un signe que vous avez subi de l’intimidation au travail.
L’intimidation au travail n’est malheureusement pas rare. Les sondages indiquent que ce sont bien 40 % des employés à temps plein qui déclarent se sentir intimidés au travail. Il s’agit d’un comportement qui vise à intimider, rabaisser, mettre dans l’embarras, limiter, blesser, ridiculiser ou contrôler le comportement d’une personne ou d’un groupe. Elle prend plusieurs formes qui sont très semblables à ce que vivent les enfants d’âge scolaire. Une myriade de tactiques peuvent être employées, allant de très subtiles à complètement flagrantes. L’intimidation au travail n’est pas en lien avec les demandes de l’entreprise ou de l’emploi et elle n’est pas reliée à la performance individuelle. Voici des exemples :
Il est parfois difficile de distinguer l’intimidation et les commentaires constructifs, mais il est important de savoir le faire. On émet des commentaires constructifs en ayant en tête les besoins du lieu de travail ainsi que la sécurité et la productivité de l’employé. Ils se fondent sur les preuves et la raison, et peuvent entraîner un changement d’horaire ou de charge de travail, la mise en place et l’exercice de protocoles de santé et sécurité, des instructions de travail ou une évaluation de la performance. Ils peuvent, quelquefois, entraîner des mesures disciplinaires raisonnables accompagnées d’une description claire des attentes et des justifications, ainsi que des actions qui sont allées à l’encontre d’une politique, d’une procédure ou d’un protocole. Elles sont habituellement présentées en rappelant à l’employé son droit de faire appel à la décision et en lui fournissant le nécessaire pour ce faire. Normalement, dans une telle situation, la personne peut se poser la question : « Est-ce qu’un employé moyen verrait cela comme juste et raisonnable dans ces circonstances? ».
Ceux qui vivent de l’intimidation au travail, toutefois, répondent un « Non! » clair et empathique à cette question. Ils se sentent souvent en colère et impuissants. Il n’est pas rare que les victimes d’intimidation sentent qu’ils n’ont aucun contrôle. Plusieurs commencent à remarquer des symptômes liés à l’anxiété, notamment des maux de ventre, un souffle court, des tremblements, un sentiment de vouloir fuir, une crainte d’aller au travail, des troubles du sommeil ainsi que de la difficulté à se concentrer. Ils peuvent se sentir vulnérables.
Bien qu’il soit vrai que quiconque puisse être un intimidateur, une étude de 2017 menée par le Workplace Bullying Institute a révélé que les hommes étaient plus susceptibles d’être des intimidateurs (70 % d’hommes contre 30 % de femmes) et les femmes étaient plus susceptibles d’être la cible des deux genres. De plus, les personnes de couleur, celles issues des communautés autochtones, celles ayant une appartenance religieuse identifiable, celles de la communauté 2SLGBTQIA+ et celles ayant des incapacités étaient plus à risque d’être visées.
À FAIRE :
À NE PAS FAIRE :
Quand on cherche à régler les comportements d’intimidation, il est important de séparer l’acte de l’auteur. Cela veut dire de se concentrer sur les comportements problématiques ou inacceptables plutôt que sur la personne. Un comportement problématique est généralement bien plus facile à changer qu’une personne problématique.
Premièrement, il est important de comprendre que le fait que vous reconnaissiez votre comportement est la première étape du changement. Commencez par vous demander pourquoi vous faites cela. Essayez-vous d’être drôle? Êtes-vous inquiet que la personne que vous intimidez tente de vous faire mal paraître? Avez-vous été intimidé vous-même par le passé, donc vous traitez les autres de la même façon? Est-ce que cela fait partie de la culture de votre milieu de travail? Par exemple, plusieurs premiers répondants jouent des tours, surtout aux nouveaux employés. Ils se disent qu’ils sont passés par là et donc que la nouvelle personne devrait le vivre aussi — mais ils reconnaissent aussi qu’ils ont détesté ça! Bien qu’il puisse s’agir d’une « tradition », il est difficile de nier que ces mauvais tours peuvent être mal intentionnés, démoralisants et humiliants. Le nouvel employé peut alors se sentir exclu.
Ce n’est pas l’objectif pour un partenaire ou un collègue sur qui vous pourriez devoir compter, surtout en situation d’urgence! La plupart des intimidateurs n’aiment pas blesser ou maltraiter les autres. Une fois que vous avez cerné la raison derrière le comportement, il est important de vous arrêter et de réfléchir à d’autres manières de répondre à vos propres besoins sans que ce soit au détriment de quelqu’un d’autre. Reconnaissez qu’il n’est pas nécessaire d’éteindre la lumière de l’autre pour que brille la vôtre. Quelques séances avec un professionnel de la santé mentale peuvent vous aider à accélérer le processus et à bien vous sentir par rapport à vous-même.
Les employeurs peuvent être très clairs et établir des politiques écrites sur la violence et le harcèlement au travail. Ils peuvent offrir des ateliers pour bien définir ces concepts et présenter des exemples. Les employeurs devraient clairement définir « l’intimidation au travail » dans ces politiques ainsi que les conséquences pour ceux qui enfreindront les règles. Tout employeur devrait être prudent quant à la façon de parler d’un incident d’intimidation et offrir un soutien approprié, au travail comme en dehors, à toute personne en ayant subi afin de traiter les sentiments vécus. L’employeur peut également s’assurer de réviser les politiques régulièrement pour les mettre à jour au besoin.
L’intimidation au travail peut potentiellement coûter cher à tout le monde — l’intimidateur, la victime et l’employeur. Cependant, en comprenant ce qu’est l’intimidation et en agissant de la bonne manière, que vous soyez l’intimidateur, la victime ou l’employeur, vous pouvez aider à créer un environnement de travail sain et productif.
L’intimidation au travail n’est pas qu’une affaire d’employés, c’est une affaire d’entreprise. En s’attaquant à l’intimidation directement, les organisations peuvent créer un environnement plus positif, productif et compréhensif pour tout le monde.
À propos de l’auteure, Janna Comrie, MA, psychothérapeute agréée
Jana Comrie est titulaire d’une maîtrise en psychologie du counseling et a effectué des recherches dans les domaines des sciences du cerveau, du comportement et cognitives. Depuis plus de 15 ans, elle aide des personnes, des couples et des familles qui ont vécu des situations traumatisantes.