Certaines personnes aiment bien employer des termes psychologiques pour s’exprimer: « mon TOC se manifeste », « je vais devenir fou », « mon patron est un narcissique », « cette émission de télévision m’a traumatisé »… Nous entendons ce genre de propos chaque jour. Certes, la plupart d’entre nous affichent parfois des traits de divers troubles, mais la question à se poser, c’est « s’agit-il d’un simple caprice ou de quelque chose de plus sérieux? ». En d’autres mots, qu’est-ce que les troubles mentaux et comment se manifestent-ils chez les personnes atteintes?
La réponse à cette question est vaste et peut changer selon la culture et la religion. Dans la plupart des cultures occidentales, le terme « trouble mental » s’entend d’un fonctionnement inadapté chez une personne sur le plan mental/cognitif (les pensées), émotionnel ou parfois comportemental (p. ex. trouble alimentaire ou compulsions) qui gêne ou nuit à son quotidien (p. ex. relations, travail, éducation, vie sociale ou soins personnels). Il n’est pas rare de remarquer une coexistence des pensées, des émotions et des comportements inadaptés. Dans les cultures occidentales, les « troubles mentaux » peuvent aussi s’entendre de la réaction compréhensible d’une personne dans une situation traumatisante ou difficile (p. ex. deuil, phobie, épuisement du proche aidant ou blessure de stress post-traumatique) qui nuit à sa fonction dans au moins une sphère de sa vie.
Évidemment, toutes les cultures ne voient pas les troubles sous un même angle. Certaines cultures considèrent que des diagnostics du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5, soit le manuel de tous les diagnostics de santé mentale de l’Amérique du Nord) représentent un lien avec l’esprit (ce qui est estimé positif), une possession/une malédiction ou une peur/un comportement honteux (pour la famille de la personne atteinte). Bref, tout sauf un « trouble ». Ces divergences de définition n’affectent pas seulement la façon dont la personne ayant le trouble est perçue, mais aussi le traitement prescrit et les ressources qui lui sont offertes.
Quoiqu’il puisse être intéressant d’apprendre la perception des problèmes/troubles de santé mentale de diverses cultures, nous nous en tiendrons à la culture occidentale dans le présent article. Nous définirons les troubles de santé mentale courants que les gens décèlent chez eux-mêmes et chez les autres.
Combien de fois avons-nous entendu quelqu’un dire que son ex est un narcissique? Si ce terme est très couramment employé, le trouble de la personnalité narcissique, quant à lui, est en réalité plutôt rare. Des estimations avancent que seulement 5 à 10 % de la population remplit les critères de ce trouble de la personnalité. Ce trouble se caractérise par le besoin d’admiration excessive (et l’attente d’un traitement particulièrement favorable), une tendance à avoir des pensées et des comportements grandioses (rêve de succès, de pouvoir, d’intelligence supérieure ou de beauté, par exemple) ainsi que par un manque d’empathie. Les personnes atteintes risquent aussi de présenter des comportements agressifs et d’être hypersensibles ou sur la défensive. Non seulement elles ont tendance à croire qu’elles sont spéciales, mais elles sont aussi d’avis que seules les autres personnes spéciales peuvent les comprendre.
« Je n’ai pas décroché le poste. Je suis vraiment déprimé. » Cet énoncé pourrait indiquer que la personne est réellement déprimée, mais aussi qu’elle est simplement déçue de ne pas avoir obtenu ce qu’elle voulait. Comment pouvons-nous faire la distinction? La dépression est un trouble de l’humeur: sur le plan clinique, on l’appelle habituellement le trouble dépressif caractérisé. La personne atteinte remarque des changements dans ses pensées, ses émotions et ses comportements qui durent plus de deux semaines. Elle risque d’être constamment au bord des larmes ou de se sentir triste, vidée ou désespérée. Ses réactions peuvent aussi lui paraitre inhabituelles. Cette personne est consciente qu’elle est dorénavant plus irritable, facilement frustrée, agitée ou contrariée. Son poids pourrait aussi fluctuer, elle pourrait cesser de s’intéresser à certaines activités ou éprouver de la difficulté à se concentrer ou à réfléchir. Il n’est pas rare qu’une personne atteinte de trouble dépressif caractérisé sente que sa vie est vide de sens et qu’elle ne vaut rien. L’insomnie et l’hypersomnie sont aussi des signes courants. Souvent, les personnes atteintes signalent un niveau d’énergie si faible que la moindre des tâches leur demande énormément d’efforts. La situation risque de se détériorer au point où une personne pourrait avoir l’impression qu’il ne vaut pas la peine de vivre, se mutiler ou avoir des pensées suicidaires.
De nombreuses personnes se sentent anxieuses ou présentent des inquiétudes face à l’inconnu ou à certaines situations (p. ex. parler en public, peur des hauteurs). Or, le trouble anxieux généralisé (TAG) s’avère différent, car il s’agit d’anxiété ressentie au quotidien qui provoque habituellement une réaction du corps au complet devant diverses tâches ou activités. Les personnes atteintes se montrent incapables de détourner leur attention d’une inquiétude, et cette inquiétude suscite souvent une autre inquiétude, puis une autre, et ainsi de suite. Une foule de symptômes physiques se présentent lorsqu’elles se mettent à s’inquiéter (rythme cardiaque accéléré, transpiration excessive, maux de ventre, tremblements et même une sensation de froid ou de fourmillement dans les pieds et les mains). Elles sont constamment sur un pied d’alerte et incapables de bloquer les stimuli sensoriels, ce qui peut gêner leur concentration. Elles peuvent présenter des troubles de l’endormissement et de l’insomnie. L’épuisement et les douleurs musculaires ou les tensions (surtout dans le dos, les épaules et le cou) sont aussi très courants. En outre, ces personnes ont tendance à se sentir irritables, à se vexer facilement, ou à devenir émotives et à répondre aux autres sur un ton sec pour un rien. Une personne sans TAG pourrait se dire « qu’est-ce qui arrive si j’arrive en retard au travail? », puis reconnaître que cette situation n’est pas idéale, mais que tout va bien aller. En revanche, un de mes clients atteints d’un TAG qui s’est posé la même question s’est dit: « Mon patron sera furieux. Et s’il me congédie? Comment vais-je faire pour payer mon loyer? Quelle entreprise voudra de moi? Je ne pourrai jamais décrocher un autre emploi si j’ai déjà été congédié. Qui voudra me fréquenter si personne ne veut m’embaucher? Je vais me retrouver sans emploi, dans la rue et tout fin seul. » Alors que les inquiétudes se multipliaient dans son esprit, sa respiration s’accélérait. Il s’est mis à transpirer et à trembler, et semblait au bord des larmes. Vous pouvez donc constater à quel point le TAG diffère de la forme d’anxiété plus saine que l’on peut ressentir au quotidien.
Je ne saurais vous dire le nombre de fois que j’ai entendu quelqu’un dire « J’ai été traumatisée par _____! » pour plaisanter. Souvent, quand on pense au trouble de stress post-traumatique (TSPT), on pense aux films sur le Vietnam où un soldat a de terribles retours en arrière et des hallucinations auditives. Certes, le TSPT peut se présenter ainsi, mais ce n’est pas toujours le cas. Le TSPT est un sérieux trouble de santé beaucoup plus complexe que les sentiments de peur, d’anxiété et de colère. Il peut être provoqué par une exposition à la mort, à une menace sérieuse de mort, à un acte de violence ou à une grave blessure. Une personne peut développer un TSPT si elle vit elle-même ces expériences, si elle en est témoin ou même si elle entend qu’un proche a vécu ce type de situation. Le TSPT peut aussi se présenter après une exposition répétée à ce type de situations ou à une prise de conscience de ces situations. Il se caractérise par un éventail de symptômes, y compris des symptômes d’intrusion (pensées, images ou rêves), des symptômes cognitifs et liés à l’humeur (difficulté à se souvenir d’importants détails de l’incident traumatisant, difficulté à gérer les émotions ou croyances/attentes exagérées et négatives envers soi-même, les autres et le monde) et des symptômes liés à l’éveil et à la réactivité (hypervigilance, réactions de sursaut exagérées, accès de colère, irritabilité et troubles de sommeil).
Si une personne croit être atteinte d’un trouble mental, que doit-elle faire? J’encourage habituellement mes clients à commencer par en parler de façon très honnête avec leur omnipraticien. Le diagnostic est habituellement posé par un psychiatre, un psychologue ou un médecin. Il existe un nombre de facteurs à envisager, y compris le score obtenu lors de questionnaires, les réponses données à certaines questions et, parfois, d’autres indicateurs fonctionnels (p. ex. habitudes alimentaires, sommeil, relations, statut professionnel). Le processus de diagnostic peut s’avérer intimidant, car le patient a parfois l’impression que l’évaluateur pose beaucoup de questions, mais aussi que les questions se répètent. L’important, c’est de s’armer de patience et de bien écouter les questions. Les différences sont parfois subtiles. N’oubliez pas qu’en dépit des caractéristiques communes chez les personnes atteintes d’un trouble de santé mentale, les circonstances et les expériences de chacun sont différentes. Habituellement, mieux le professionnel comprend votre situation unique, plus il sera en mesure de vous aider.
Il existe un nombre de traitements traditionnels et complémentaires pour la plupart des troubles mentaux. Les médicaments ou la psychothérapie sont habituellement recommandés. Le rôle des médicaments varie, mais ils agissent normalement sur la chimie du cerveau. La psychothérapie peut aussi prendre diverses formes selon le diagnostic. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la pleine conscience sont deux des modalités de traitement les plus courantes. Or, de nombreuses modalités de traitement peuvent s’avérer énormément utiles, y compris la thérapie comportementale dialectique, la thérapie centrée sur les émotions et la thérapie de résolution accélérée, selon la situation de la personne. Qui plus est, si la situation est plus sévère ou envahissante, il existe également des traitements visant à stimuler certaines parties du cerveau (p. ex. stimulation magnétique transcrânienne et électroconvulsothérapie). De surcroît, les traitements holistiques gagnent en popularité. Les professionnels qui traitent les troubles de santé mentale recommandent donc plus souvent de bien manger, de faire de l’activité physique et de la méditation, de prier et de passer du temps entre amis. Des recherches démontrent que plus l’approche est holistique, plus les bienfaits seront prononcés dans les autres aspects du traitement.
Les traitements complémentaires et expérimentaux s’avèrent aussi prometteurs. Certains de mes clients ont essayé l’acuponcture, la médecine traditionnelle chinoise, la guérison sonore et les cérémonies autochtones de guérison. Il existe également beaucoup de médicaments expérimentaux de bon augure (p. ex. la psilocybine, substance psychomimétique d’origine naturelle).
Je répète que nous sommes nombreux à employer des termes psychologiques pour décrire notre état d’esprit quotidien. Si votre état mental gêne votre fonctionnement, sachez que vous n’êtes pas seul. Il est important d’en parler à un professionnel et de vous souvenir qu’il existe des options de traitements pour vous aider à composer avec la situation et améliorer votre fonctionnement.
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Janna Comrie, MA, Psychothérapeute agréée, est la directrice de la Comrie Counselling Corporation située en Ontario, au Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en psychologie de l’orientation et a effectué des recherches dans les domaines des sciences du cerveau, du comportement et cognitives. Depuis plus de 15 ans, elle aide des personnes, des couples et des familles qui ont vécu des situations traumatisantes. Son équipe de psychothérapeutes agréés offre un soutien considérable aux premiers intervenants et à leurs familles.