Le film Panthère Noire (Black Panther) a fait trépigner de joie plus d’un à sa sortie sur grand écran, surtout parmi les personnes noires. Ce n’est pourtant pas le film en lui-même qui provoque un tel engouement, mais plutôt le symbole de reconnaissance et d’inclusion qu’il reflète et qui contribue à une représentation positive, à grande échelle, des communautés afrodescendantes. Le message fort à retenir est celui de l’importance de l’affiliation et de la fierté ethnique pour le bien-être personnel et collectif. Avoir un super héros noir, avoir eu un président noir des EU, avoir eu une gouverneure générale noire au Canada, permet aux jeunes et moins jeunes de s’identifier, de briser le plafond de verre et de croire possibles leurs rêves.
Alors, quel impact ce genre de message peut-il avoir sur les personnes dites de minorité ethnique et quelles leçons pouvons-nous en tirer pour favoriser les retombées positives de cette identité ethnoculturelle ?
L’affirmation de son identité culturelle et le sentiment d’appartenance sont des facteurs de bien-être psychologiques considérables. En plus d’augmenter la qualité de vie, ils agissent comme un filet de sécurité contre les oppressions systémiques et renforcent le niveau de résilience face aux conséquences préjudiciables des climats sociopolitiques modernes.
À l’inverse, la coupure culturelle et le flottement identitaire entravent le bon développement de l’identité d’une personne et affectent son estime personnelle ainsi que celle de sa communauté. C’est d’ailleurs une des principales raisons pour lesquelles le racisme est si destructeur, c’est qu’il nie la personne dans son ensemble au niveau de son identité ethnoculturelle. Du coup, cette identité peut être vécue comme limitante, voire même comme un fardeau dont la personne racisée peut difficilement se défaire. L’aliénation de son identité ethnique ou une perception biaisée de ses origines peuvent fragiliser l’estime de soi et prédisposer à des risques accrus de dépression, d’anxiété, de labilité émotionnelle, de trauma racial et de suicidalité (de l’idéation suicidaire aux passages à l’acte). Eh oui! Tout ça!
On comprend donc que la santé mentale, est soumise à de multiples influences collectives et individuelles. L’ethnicité, les traditions culturelles, les convictions religieuses et la langue contribuent significativement à notre façon de voir le monde, y compris les problèmes de santé mentale. Ils guident aussi les avenues thérapeutiques. Alors, la socialisation raciale y joue un rôle prépondérant également.
La socialisation raciale est la façon par laquelle des individus créent un espace sécuritaire pour enseigner et partager des repères culturels afin de renforcer la fierté au groupe d’appartenance. Souvent, cette socialisation se fait de manière inconsciente et instinctive. Par exemple, elle se transmet au sein de sa famille au quotidien. Notre façon de nous vêtir, de se nourrir, de se comporter et de s’exprimer fait partie de cette socialisation raciale. Elle peut être plus explicite et directe aussi à travers les histoires des ancêtres racontées, les proverbes, les expériences de vie partagées, les conseils donnés par les aînés.
Lorsqu’elle est positive, cette socialisation raciale permet de sensibiliser et d’ancrer une personne à son identité ethnique. Elle transmet des messages axés sur les aspects positifs de sa communauté et les raisons d’en éprouver de la fierté (l’art, l’excellence scientifique ou sportive, la convivialité, le courage …). Elle permet aussi de se ressourcer entre membres d’une même communauté partageant des expériences qui leurs sont propres (l’humour, la nourriture, la musique, la danse …). Aussi, cette pratique promeut des stratégies de résilience qui peuvent être transmises de génération en génération (les rituels, la langue, la spiritualité…). Elle favorise ainsi l’intégrité culturelle et l’affiliation à la communauté.
De plus, la socialisation raciale peut être considérée comme l’âme du ghetto protecteur, où ses membres peuvent échanger et apprendre sur les inégalités structurelles et les oppressions systémiques que subit un individu racialisé. Elle permet aux personnes blessées de trouver du réconfort auprès de celles qui ont vécu les mêmes expériences douloureuses qu’elles. Cela permet aussi de se sentir moins seul. Les micro-agressions tendent à passer inaperçues ou à être minimisées par ceux qui n’en subissent pas les souffrances, et même par ceux qui en font les frais. Elles exigent pour la victime un effort cognitif considérable pour les déconstruire et les désarmer. La socialisation raciale permet de le faire, car elle suppose la décolonisation des pensées afin de pouvoir reconnecter à sa culture et à son héritage.
Par ailleurs, la littérature scientifique soutient qu’en présence d’interventions de socialisation raciale, les jeunes adultes ont un meilleur engagement communautaire, des compétences socio-émotionnelles améliorées en plus d’accroître leurs taux de réussite scolaire.
Elle peut se faire, entre autres, au travers de messages, comportements et activités planifiées. L’important est de recouvrer son passé, rétablir son identité en tant que personnes noires afin d’avoir un futur prolifique.
Application individuelle
Application familiale
Application collective
Une forte identité ethnique augmente l’estime de soi, atténue les effets de la discrimination et diminue les risques de marginalisation. La socialisation raciale permet aux individus de se développer avec confiance et équilibre psychologique pour le rayonnement personnel et celui de sa communauté. C’est donc un modèle gagnant-gagnant qui mérite d’être cultivé pour le bien-être psychologique et social de tous.
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Régine Tardieu-Bertheau, PhD, LPs, psychologue clinicienne & Stéphanie Camilien, Infirmière clinicienne, OIIQ
Grâce à sa formation et sa pratique de la psychologie depuis plus de vingt ans ainsi qu’à sa facilité innée de pouvoir établir un lien immédiat avec les gens, Régine Tardieu-Bertheau arrive facilement à saisir les besoins et les émotions de ses clients pour les aider dans leur cheminement personnel.
Son travail en tant qu’Ethnothérapeute à la Clinique Pédiatrique Transculturelle de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont lui a donné, entre autres, l’opportunité de se rapprocher des nombreuses communautés ethniques vivant à Montréal et de mieux les connaître. Elle s’est donné pour mission de faire de la sensibilisation autour des questions de santé mentale et de bien-être de façon globale afin de briser les tabous.
Régine fait partie de l’Ordre des Psychologues du Québec (OPQ), est superviseure de stage clinique à l’Université de Montréal et est fondatrice du Centre Professionnel Alter-Natives Inc.
Stéphanie Camilien est une étudiante infirmière praticienne (EIPSSM) qui se spécialise en santé mentale depuis 2017 à l’IUSMM. Durant son parcours aux études supérieures, elle s’est intéressée aux meilleures pratiques en santé préventive ainsi qu’aux approches éducatives culturellement congruentes pour accroitre l’empowerment des populations dans l’autogestion de leur symptomatologie.