La dernière année n’a pas été de tout repos pour les organisations. En effet, en plus de ses effets sur la vie personnelle des individus, la pandémie de la Covid-19 a également amené son lot important de bouleversements et de stress dans les milieux de travail, affectant ainsi la santé mentale des travailleurs. En tant que gestionnaire ou responsable des ressources humaines, vous représentez une des ressources les plus importantes permettant d’amoindrir l’effet de tels facteurs de stress. Malgré vos bonnes intentions, il est possible que vous vous questionniez par rapport à votre rôle concernant la santé psychologique de vos employés. Jusqu’où pouvez-vous ou devez-vous aller ? Comment pouvez-vous soutenir vos employés sans y laisser votre propre santé mentale ? Dans le but de répondre à ces questions, cet article propose différentes pistes d’actions vous permettant d’avoir un impact positif sur la santé mentale de vos employés, tout en respectant vos limites personnelles et en évitant de vous épuiser.
Tout d’abord, gestionnaires et collègues de travail occupent une position privilégiée afin de détecter les différents signes précurseurs d’une difficulté de santé mentale chez un employé. Ces signes peuvent être variés, mais ils représentent tous généralement un changement significatif dans le comportement habituel de l’employé (ex. : isolement de ses collègues, difficulté à réaliser le travail habituel, irritabilité…). Si vous détectez ces signes, il est important d’en discuter rapidement avec l’employé concerné. Lorsque nous vivons des difficultés de santé mentale, c’est un peu comme lorsque nous roulons en voiture durant une tempête de neige. Notre vision de la route peut être embrouillée et nous ne voyons pas toujours les sorties possibles. Ainsi, l’employé concerné n’est peut-être pas conscient de ses difficultés et de leurs conséquences, ou encore il ne sait peut-être pas par où commencer pour aller chercher l’aide nécessaire. Plus rapidement vous reconnaîtrez ces signes, plus tôt vous pourrez agir en apportant à l’employé un soutien approprié avant que la situation ne se détériore. Mais quel type de soutien pouvez-vous lui offrir ?
Lorsque vous rencontrez l’employé afin de lui faire part de vos inquiétudes, il est primordial de ne pas tirer des conclusions et de rester centré sur des faits et sur vos observations (ex. : J’ai remarqué que dernièrement tu arrives souvent en retard au travail, cela n’est pas dans ton habitude. Cela me préoccupe. Est-ce que tout va bien ?). Rappelez-vous que votre rôle n’est pas de poser un diagnostic, mais bien de faire part de vos observations à l’employé. Vous pouvez également parler des conséquences de ces comportements sur le fonctionnement de votre équipe.
Par la suite, vous voudrez discuter des solutions possibles avec l’employé. Offrez-lui votre soutien en lui demandant comment vous pouvez l’aider à retrouver son fonctionnement habituel au travail. Si les difficultés de l’employé sont davantage d’ordre personnel, fournissez-lui une liste de ressources de soutien pouvant lui être utiles dans sa démarche pour aller mieux. Dans le cas où votre milieu de travail possède un programme d’aide aux employés (PAE), il s’agit d’une bonne première ressource vers où le diriger. En l’absence de PAE, il existe également différentes ressources privées qui peuvent être couvertes en partie par votre régime d’assurances collectives (ex. : Ordre des psychologues du Québec) ou encore des ressources gouvernementales ou communautaires que l’employé peut consulter en tout temps (ex. : Tel-Aide). Afin d’être bien préparé, assurez-vous d’avoir en main une telle liste de ressources avant de rencontrer l’employé. Finalement, rappelez-vous que votre rôle n’est pas de vous transformer en psychothérapeute, mais bien de témoigner votre considération à l’employé et de le soutenir dans son fonctionnement au travail.
Il peut être fatigant émotionnellement de soutenir des employés vivant avec des difficultés de santé mentale, surtout quand nous sommes nous-mêmes soumis à des conditions stressantes et difficiles, comme c’est le cas présentement dans le contexte de la pandémie. Pour éviter de vous épuiser, il est nécessaire de mettre vos limites par rapport au soutien que vous pouvez offrir. D’abord, rappelez-vous que votre rôle demeure circonscrit à la sphère du travail. C’est sur cet aspect que vous avez du contrôle et que vous pouvez agir pour aider l’employé. Lors de vos discussions avec celui-ci, au besoin, ramener le sujet vers le milieu de travail et vers ce que vous pouvez faire pour l’aider dans cette sphère. Dans le cas de difficultés de nature personnelle, assurez-vous que l’employé connaisse bien les ressources d’aide disponibles. En lui transmettant ces ressources, vous lui témoignez qu’il est important pour vous, tout en respectant les limites de votre rôle en le référant à des ressources qui sont davantage appropriées pour le soutenir. Dans le même ordre d’idées, ne représentez pas la seule source de soutien pour l’employé et n’hésitez pas à discuter avec lui des autres sources disponibles dans son environnement. Bâtissez avec lui un filet de sécurité, un réseau de ressources formelles et informelles qui pourront l’aider.
Enfin, si l’on veut être en mesure d’aider un employé vivant des difficultés de santé mentale, il faut avant tout être capable de prendre soin de soi. Comme lorsque nous sommes en avion, il est nécessaire de mettre son propre masque d’oxygène avant d’aider à la personne à côté de soi à mettre le sien. Pour ce faire, assurez-vous de prendre soin de votre santé mentale en vous offrant des moments de récupération quotidiens afin de recharger vos batteries. De façon générale, les activités qui permettent de relaxer, d’avoir du plaisir et de se détacher psychologiquement du travail sont efficaces pour prendre soin de notre santé mentale. Permettez-vous de décrocher et surtout éviter de vous sentir coupable quand vous le faites. Et enfin, soyez à l’écoute de vos propres signaux d’alarme d’une difficulté de santé mentale. Lorsque vous constatez la présence de tels signaux, n’hésiter à aller chercher l’aide nécessaire. En agissant de la sorte, vous prendrez non seulement soin de votre propre santé mentale, mais vous représenterez aussi un modèle inspirant pour vos employés.
SOPHIE MEUNIER,Psychologue du travail et des organisations, Sophie Meunier détient un doctorat en psychologie du travail et des organisations. Après avoir travaillé durant 6 ans à titre de psychologue organisationnelle au sein de différentes organisations privées et publiques, elle se consacre maintenant, depuis 2016, à la recherche et à l’enseignement en occupant un poste de professeure au département de psychologie à l’Université du Québec à Montréal. Ses principaux projets de recherche portent sur les déterminants individuels et environnementaux de la santé psychologique au travail.