Comment les parents peuvent-ils favoriser un espace sûr pour un coming-out ?

Un parent et son enfant profitent d'un moment sûr dans un espace extérieur, qui constitue une étape du processus complexe et non linéaire de la sortie du placard de l'enfant.

Quand Ellen DeGeneres est sortie du placard en faisant la couverture du magazine Time en 1997, elle a donné le ton de ce à quoi ressemble un coming out. À l’époque, on avait l’impression qu’il s’agissait d’une occasion unique : il fallait sortir grand et, ne pas retourner dans le placard une fois que la vérité avait été dite à haute voix. Au cours des 15 dernières années, j’ai travaillé avec des personnes qui ont leurs propres processus et parcours de dévoilement de leur sexualité et je peux vous assurer que la déclaration simple (mais percutante) d’Ellen est rarement la façon dont les gens font leur coming out dans la « vraie vie ».

Sortir du placard, peu importe la façon, est généralement un processus complexe et non linéaire que les proches peuvent rendre beaucoup plus supportable en y répondant avec tendresse et amour.

Pour commencer, les mots « sortir du placard » sont généralement associés à une personne qui s’affirme comme gaie ou lesbienne. Étant donné que la sexualité et l’expression de genre, et le langage correspondant associé à cet éventail d’identités, se sont considérablement élargis, les gens sortent du placard de toutes sortes de façons afin de mieux décrire leur expérience interne. Une personne peut s’affirmer queer, transgenre, non binaire, gaie, lesbienne, bisexuelle, pansexuelle ou asexuelle. Les façons dont nous en sommes venus à comprendre l’identité se sont considérablement élargies, de sorte que la possibilité de s’exprimer est devenue beaucoup plus précise et authentique. Nous en sommes toujours aux balbutiements quand il s’agit de comprendre l’intersection complexe entre le genre et la sexualité, et plus on permet à ces identités d’être fluides, plus une personne est susceptible de trouver les mots et les formes d’expression qui représentent vraiment qui elle est.

Voici quelques façons concrètes de soutenir un ou une membre de votre famille, en particulier un.e enfant, dans son processus d’affirmation :

  • Il ne s’agit pas de vous : il n’est pas rare que les parents réagissent aux efforts déployés par leur enfant en exprimant leurs propres craintes et déceptions quant aux risques auxquels ce dernier pourrait faire face. Ces préoccupations sont réelles et viennent souvent d’une vraie position d’amour. Mais il est essentiel de se rappeler que la personne qui sort du placard est la personne la plus vulnérable dans la situation et que son processus émotionnel doit être focalisé. Cette personne a entretenu un dialogue, en privé, avec elle-même jusqu’au moment où elle a pris le risque de raconter son histoire. Il est primordial d’offrir le plus d’espace et de souplesse possible pour l’histoire de cette personne.
  •  Aucun processus d’affirmation n’est linéaire : bien qu’il soit essentiel de prendre le processus d’affirmation d’une personne très au sérieux, il est également important de se rappeler que ce processus est dynamique et non linéaire. Il est possible que quelqu’un ait gardé un secret en son for intérieur pendant plus de dix ans et qu’une fois celui-ci partagé, il devienne une vérité vécue et totalement habitable. Pour d’autres, la simple terreur de dire quelque chose à haute voix, à des êtres chers, peut embrouiller la clarté de leur propre processus interne. Parfois, les gens sortent du placard et commencent à éprouver une incertitude extrême quant à qui ils sont et ce qu’ils sont. D’autres fois, les gens sont tout à fait clairs et ressentent un soulagement total en révélant leur identité. Aucun de ces processus ne rend l’identité d’une personne moins réelle ou moins digne d’être prise au sérieux. Garder les choses à l’intérieur de soi peut créer une énorme confusion et, une fois que quelqu’un commence à parler et à s’ouvrir, les idées et les sentiments peuvent changer. Cela ne veut pas dire que ce qu’une personne a révélé n’est pas ce qu’elle est ou qui elle est. Cette précision et cette conscience de soi prennent du temps, tout comme chaque parcours ayant rapport à la sexualité et au genre.
  • N’exprimez pas de crainte au sujet de l’avenir de votre proche : il peut être assez effrayant d’observer le processus d’affirmation d’un être cher, mais rien n’est plus dangereux que de rester dans le placard proverbial. Par conséquent, même si des risques sont associés au fait de sortir du placard en raison de la façon dont la population LGBTQ+ est marginalisée et victime de discrimination, le danger psychologique de cacher son véritable soi comporte des risques psychologiques considérablement plus nombreux. Être enfermé dans le placard n’est pas compatible avec des résultats solides en matière de santé mentale. Il est toujours plus sage d’essayer de modifier et d’améliorer le monde autour de la personne ayant fait son coming out plutôt que de demander à cette dernière de changer qui elle est pour convenir à quelque chose qui ne semble pas juste ou vrai.
  • Vous pouvez apporter les thèmes du genre et de la sexualité à la conversation plutôt que d’attendre : bien que cela puisse sembler contre-intuitif, le fait d’évoquer la possibilité qu’une personne soit sur le spectre LGBTQ avant qu’elle ne le dise elle-même peut être un soulagement énorme. Si les discussions portant sur le genre et la sexualité ne sont pas des aspects normalisés d’un dialogue familial, il peut être beaucoup plus accablant pour quelqu’un de se dévoiler. Au lieu de supposer qu’une personne connaît le genre ou la sexualité d’une autre personne, il est possible de faire une offre sous forme de question ou d’invitation. Par exemple, un parent peut dire à son enfant : « si jamais tu sens que tu as une chose importante à me dire en rapport avec les personnes que tu aimes et celles que tu n’aimes pas, tu peux me le dire » ou « si tu as peur de ressentir quelque chose de différent dans ton cœur, je suis toujours ouvert.e pour t’écouter ». Les questions n’ont pas besoin d’être directes ou pointues. Il s’agit d’invitations simples, mais percutantes, qui commencent à normaliser le processus de description du monde intérieur d’une personne sur le plan du ressenti.
  • Demandez des conseils quant à la langue à utiliser : lorsqu’une personne s’affirme comme membre de la communauté LGBTQ, il faut un consentement clair et une entente sur les mots que les proches devraient utiliser. Une jeune fille pourrait sortir du placard et dire qu’elle est attirée uniquement par d’autres filles. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle est lesbienne ou gaie. Demandez à la personne qui sort du placard quelle langue lui convient le mieux, dites-lui que vous supposez qu’il pourrait y avoir des changements à l’avenir et que vous voudrez aussi savoir quels seront ces changements. Les proches veulent s’assurer qu’ils honorent le rythme du processus d’affirmation; savoir clairement quels mots sont justes est une façon d’y parvenir.
  • N’oubliez pas qu’il s’agit d’un honneur : une personne qui est sortie du placard n’oubliera jamais ce qu’elle aura vécu à ses débuts après avoir exprimé sa vérité. Il est important de bien faire les choses et ce n’est pas si difficile. Plus on fait preuve d’acceptation, d’ouverture et de curiosité, meilleur est le résultat, et meilleurs sont les souvenirs liés au processus. Parmi les personnes qui sont sorties du placard, je n’en connais pas une qui n’a pas une histoire épouvantable à raconter au sujet de la réaction d’une personne en particulier. Si la véritable vulnérabilité d’une personne est maintenue et respectée, et si elle est considérée comme l’experte ultime de sa propre expérience, sortir du placard peut être un moment vraiment habilitant et apaisant dans le parcours de vie d’une personne.

DANNA BODENHEIMER, LCSW, Fondatrice et directrice de Walnut Psychotherapy Center. Après avoir travaillé pendant des années dans un cabinet privé à Philadelphie, Danna a reconnu le besoin d’un meilleur accès à une psychothérapie psychodynamique à long terme dans un environnement clinique sûr. Danna est écrivaine et consultante/conférencière pour plusieurs organisations à but non lucratif de Philadelphie. Parmi ces organisations figurent les Jewish Family and Children’s Services et la United Cerebral Palsy Association of Philadelphia. Ses publications touchent aux sujets liés à l’amour en psychothérapie, aux troubles alimentaires et à l’histoire du travail relationnel. Danna vient de terminer un livre sur les débuts dans le domaine du travail social clinique, qui intègre des recherches effectuées sur les expériences de plus de 100 travailleurs sociaux.