Pourquoi est-il urgent de discuter du racisme anti-asiatique aujourd’hui

Une équipe d'employés discute du racisme anti-asiatique au travail et collabore pour le surmonter.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, il y a plus d’un an, les personnes Asiatiques sont confrontées à une montée de peur, de haine ainsi qu’à une hausse des soupçons et des agressions physiques à leur égard. Les récentes fusillades à Atlanta ont entraîné le meurtre de huit personnes, dont six femmes asiatiques.

Ces événements s’expliquent en grande partie par la racialisation du virus responsable de la COVID-19, par la croyance qu’il est d’origine asiatique et qu’il est transmis par des personnes d’origine asiatique vivant partout en Amérique du Nord. Selon le Conseil national des Canadiens chinois (CNCC), la plupart des personnes touchées par ces actes racistes, qui représentent 84 % des crimes signalés, sont d’origine asiatique.

Au Canada comme aux États-Unis, la situation a eu une incidence énorme sur le bien-être mental des personnes d’origine asiatique, qui ont dit se sentir maintenant en danger sur les plans physique et psychologique.

Selon le rapport du CCNC et du collectif Project 1907, le Canada enregistre un plus grand nombre d’actes de racisme anti-asiatique reporté par habitant que les États-Unis. De toutes les régions infranationales d’Amérique du Nord, c’est la Colombie-Britannique (C.-B.) qui connaît le plus grand nombre d’incidents par habitant, suivie de la Californie, de New York et de l’Ontario.

Le CCNC a constaté que la moitié des Sino-Canadiens interrogés disent avoir subi des injures ou des insultes depuis la déclaration de la pandémie. Les violences et les attaques se sont étendues à d’autres groupes ethnoculturels considérés à tort comme ayant des traits physiques similaires, notamment les Coréens, les Japonais, les Vietnamiens et les Philippins, pour en nommer quelques-uns.

Les femmes et les aînés ont été les plus durement touchés. À Vancouver seulement (Colombie-Britannique), les attaques perpétrées contre les femmes représentaient plus de 70 % des incidents signalés.

Outre la violence physique, les attaques verbales et les comportements abjects, y compris le fait de leur tousser et cracher au visage en public, les Asiatiques font également face à des microagressions, à un manque de possibilités en milieu de travail en plus d’être laissés pour compte pour les promotions professionnelles.

FAITS.

Les Canadiens et Américains d’origine asiatique forment un groupe ethnoculturel en croissance en Amérique du Nord.

  • La communauté sino-américaine est la plus importante communauté chinoise outre-mer à l’extérieur de l’Asie. En 2017, les Américains d’ascendance chinoise, y compris ceux d’origine chinoise partielle, représentaient 1,5 % de la population totale des États-Unis.
  • Parmi les pays du G8, le Canada compte la plus forte proportion de personnes nées à l’étranger (20,6 % en 2016), et les trois principales sources d’immigration au Canada aujourd’hui sont asiatiques, avec la Chine, l’Inde et les Philippines. Par ailleurs, les Canadiens d’origine asiatique forment la plus importante « minorité visible » au Canada, car ils représentent 15 % de la population (article en anglais uniquement).
  • Il est urgent de déterminer comment préparer la société et les milieux de travail d’Amérique du Nord à cette croissance bénéfique et inéluctable.

STRATÉGIES

Stratégie no 1 : Apprendre l’histoire du racisme anti-asiatique

Le racisme et la discrimination à l’égard des personnes asiatiques en Amérique du Nord ne datent pas d’hier. Voici deux des plus importants jalons de l’histoire à cet égard.

  • La taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois (1885) – Le Canada a adopté la Loi de l’immigration chinoise en 1885, laquelle prévoyait une taxe d’entrée de 50 $ par personne pour la plupart des immigrants chinois, taxe par la suite portée à 100 $, puis à 500 $. Cette loi a non seulement imposé un énorme fardeau financier aux immigrants chinois, mais elle est aussi la première loi officielle au Canada visant à entraver l’immigration à être fondée sur l’origine ethnique. Lorsque la taxe a été supprimée de la Loi de l’immigration chinoise en 1923, la discrimination s’est toutefois poursuivie avec l’interdiction de l’immigration chinoise jusqu’en 1947. Le gouvernement canadien a tiré profit de cette pratique en percevant 23 millions de dollars en diverses taxes d’entrée sur une période de 38 ans.
  • L’internement des Canadiens d’origine japonaise (1942) – À partir de 1942, des citoyens canadiens d’origine japonaise vivant sur la côte ouest sont retirés de force de leurs foyers et internés dans des régions éloignées dans l’est de la Colombie-Britannique et ailleurs. Le gouvernement canadien saisit et vend leurs biens, puis les force à une déportation massive après la fin de la guerre. Au total, 22 000 Canadiens d’origine japonaise (65 % étaient nés au Canada) sont chassés de leur maison. Les mesures restrictives imposées durant la guerre sont maintenues jusqu’en avril 1949. En 1988, le gouvernement fédéral s’est excusé et a offert une indemnisation en réparation des mesures d’internement. En 2013, la Ville de Vancouver a présenté des excuses officielles.

Aux États-Unis, environ 120 000 Américains d’origine japonaise ont aussi été déplacés de force et incarcérés. Au total, 62 % des personnes internées étaient des citoyens américains et la plupart vivaient sur la côte du Pacifique. Ces actions ont été ordonnées par le président Franklin D. Roosevelt peu après l’attaque de l’empire du Japon contre Pearl Harbor.

Stratégie no 2  : Comprendre les effets psychologiques sur les Asiatiques

Aujourd’hui, le racisme à l’égard des Nord-Américains d’origine asiatique se manifeste chaque jour par des microagressions et des inégalités, souvent ancrées dans des mythes et des stéréotypes à leur sujet, au-delà du voile de la conscience, car la personne raciste peut ne pas être consciente du comportement raciste, pas plus que la personne visée par le comportement raciste. Il est donc crucial de prendre conscience des microagressions que subissent quotidiennement les personnes asiatiques. En voici certaines :

  • Les actes sont généralement perçus comme inoffensifs, anodins et sans conséquence.
  • Les personnes d’origine asiatique sont confondues avec une femme de chambre, un assistant ou une gardienne d’enfants.
  • Les femmes asiatiques sont traitées traditionnellement comme étant dociles, soumises, calmes et gentilles, comme des « poupées de porcelaine de Chine ». Cela donne lieu à une baisse du respect à l’égard des femmes asiatiques et peut entraîner de la violence verbale et un traitement négatif en milieu de travail.
  • Les personnes d’origine asiatique sont considérées comme des travailleurs acharnés, dociles et stoïques : voilà des qualités qui ne sont généralement pas associées à un leadership fort, créant ainsi un « plafond de bambou » artificiel qui entrave l’avancement des travailleurs asiatiques ayant des compétences.
  • Elles sont l’objet de moqueries et de taquineries, sans que l’on s’attende à ce qu’elles réagissent ou se plaignent. Les réactions, lorsqu’elles se produisent, sont souvent considérées comme agressives, insolentes et impolies (caractéristiques qui contredisent le stéréotype de la « minorité modèle »).

La minorité modèle : Ce stéréotype se réfère au fait que les Asiatiques sont généralement hyper intelligents, prospères sur le plan financier, exceptionnels sur le plan scolaire, bien élevés, respectueux des lois et très mobiles d’un point de vue socioéconomique. On présume aussi à tort que les Asiatiques sont « bons en tout ». Mais ce mythe de la minorité modèle peut être utilisé comme arme pour dresser les Asiatiques contre d’autres groupes minoritaires. « Si les Asiatiques peuvent le faire, pourquoi pas les Noirs, les Autochtones, les autres immigrants, etc. ? » Les Asiatiques sont continuellement utilisés comme bouc émissaire pour saper le racisme qui sévit en Amérique du Nord.

Les Asiatiques qui intériorisent cette croyance peuvent développer une mentalité de fausse supériorité. Ils peuvent croire qu’ils sont « adjacents aux Blancs » bénéficiant d’une plus grande proximité sociale avec la population majoritaire blanche, et implicitement et par association, qu’ils sont plus capables d’atteindre un statut plus élevé et d’obtenir des privilèges plus importants.

Il est également important de démanteler le mythe de la minorité modèle, car les Asiatiques (comme les autres groupes raciaux minoritaires) ne constituent pas un groupe monolithique. Ce ne sont pas tous les groupes asiatiques qui réussissent, ou qui prospèrent sur le plan financier. La diaspora asiatique, qui est d’ailleurs vaste, présente une grande diversité socioéconomique et sociodémographique.

Stratégie no 3 : Sensibiliser le milieu de travail

Décortiquez ces trois mythes dangereux avec les employés, afin qu’ils puissent mieux comprendre les expériences vécues par les personnes asiatiques. Encouragez la tenue de conversations sûres et courageuses, en mettant l’accent sur les voix et les expériences des employés asiatiques. Si ces derniers souhaitent participer, assurez-vous de leur donner l’espace, le temps et les ressources nécessaires pour le faire.

  1. La minorité modèle : D’après ce mythe, les personnes asiatiques forment le groupe minoritaire parfait, ils travaillent dur, s’assimilent et ne se plaignent jamais. Cette vue cause des divisions et des malentendus.
  2. Le péril jaune : Historiquement, les Asiatiques sont considérés comme un danger existentiel pour le monde occidental, suscitant la peur parmi les gens. Cela signifie qu’ils sont considérés comme sous-humains et particulièrement dangereux si leurs pouvoirs ne sont pas limités.
  3. L’étranger à vie : Cette idée touche les Asiatiques et les autres groupes de minorités visibles. Il s’agit de la croyance selon laquelle ces groupes ne peuvent jamais s’assimiler à la culture élargie. Cette hypothèse donne lieu à des questions comme « D’où venez-vous ? » et à des déclarations du genre « Vous parlez si bien l’anglais/le français ». Lorsqu’un employé d’une minorité s’exprime dans un milieu dominé par les Blancs, automatiquement, l’hypothèse peut être que cette personne n’est pas à sa place, qu’elle ne « convient » pas ou qu’elle « sort de l’ordinaire ».

Stratégie no 4 : Passer en revue les politiques et les pratiques

  • Passez en revue les politiques et les stratégies au travail afin d’appuyer les employés racialisés. Consultez les employés touchés dans le cadre du passage en revue de ces politiques et stratégies.
  • Établissez des partenariats avec des experts en la matière pour faciliter le dialogue et développer des compétences pour que les dirigeants prennent plus de mesures inclusives et de lutte contre le racisme. Renforcez la responsabilisation à l’échelle des dirigeants.
  • Lancez des initiatives qui visent à s’attaquer au racisme anti-asiatique et associez-vous à des organismes qui œuvrent dans ce domaine.
  • Offrez des espaces sécuritaires favorisant des discussions libres portant sur des questions gênantes au sujet du racisme et de la discrimination.
  • Créez des ressources de signalement et d’enquête des cas de racisme. Faites en sorte que les personnes puissent signaler les incidents sans craindre de représailles.
  • Créez des ressources supplémentaires pour accroître la sensibilisation au racisme anti-asiatique et aux mesures que les personnes peuvent prendre (voir les ressources ci-dessous choisies par le Centre canadien pour la diversité et l’inclusion [CCDI]).

RESSOURCES DU CCDI : SENSIBILISATION/STATISTIQUES :

  • Combattre le racisme lié à la COVID-19 : Ce site canadien suit et cartographie les incidents de racisme, de discrimination et de harcèlement anti-asiatiques. Il donne l’occasion aux personnes qui subissent ces actes de faire part de leurs histoires et offre également un certain nombre de  ressources d’autres organisations pour appuyer les communautés asiatiques.
  • Stop AAPI Hate (Stop à la haine contre les Américains d’origine asiatique et des îles du Pacifique) : Cet organisme américain propose un site contenant des conseils de sécurité (en anglais et dans certaines langues asiatiques) à l’intention des témoins afin qu’ils aident les victimes d’actes racistes.
  • Conseil national sino-canadien pour la justice sociale : Ce groupe de sensibilisation et de défense des droits des communautés sino-canadiennes au Canada mène les campagnes Stop the Spread of Racism (Mettons fin à la prolifération du racisme) (en anglais seulement) et #FaceRace toutes deux nées de la pandémie de Covid-19. Le conseil a également publié une infographie (en anglais) sur la lutte contre le racisme anti-asiatique lié à la COVID-19 au Canada.
  • Project 1907 : Cette organisation fondée par des femmes asiatiques vise à fournir un espace favorisant la compréhension des nuances des expériences intersectionnelles en bâtissant un collectif et une solidarité pour les personnes victimes de racisme. Elle fait le suivi des signalements (en anglais) des actes racistes grâce aux signalements communautaires et propose des infographies sur la façon de réagir au racisme anti-asiatique ainsi que sur les tendances concernant le racisme anti-asiatique au Canada. En outre, l’organisation a réalisé une illustration (en anglais) à partir des statistiques qu’elle a recueillies sur les types de crimes haineux anti-asiatiques.
  • ACT2EndRacism : Cette organisation a été fondée au Canada par l’entremise d’une coalition de groupes communautaires et de particuliers asiatiques de partout au pays qui s’inquiètent des crimes haineux perpétrés à l’encontre des Asiatiques. Elle fournit en plusieurs langues de l’information sur la façon de signaler les incidents en plus de liens vers des ressources communautaires. L’organisme dispose également d’un service de veille médiatique à l’affût des articles traitant des crimes haineux commis contre les Asiatiques et offre de l’information et des ressources à la collectivité.
  • Elimin8hate : Cet organisme fournit des signalements anonymes en toute sécurité aux Canadiens d’origine asiatique victimes d’attaques pour des motifs racistes et offre des ressources publiques aux personnes touchées par le racisme anti-asiatique en Amérique du Nord (en anglais seulement).
  • Cold Tea Collective : Ce collectif offre une plateforme médiatique en ligne (en anglais) axée sur le partage d’histoires et d’expériences de membres de la génération Y nord-américains d’origine asiatique. Basée à Vancouver, en Colombie-Britannique, le collectif compte des écrivains de toute l’Amérique du Nord. Il propose notamment un article sur le soutien en santé mentale offert à la communauté asiatique du Canada, lequel comprend un certain nombre de ressources et de liens à l’intention de cette dernière, y compris des liens vers des services de soutien en santé mentale offerts dans différentes langues.
  • Asian Mental Health Collective : ce collectif offre une plateforme à l’échelle nord-américaine axée sur le soutien sur le plan de la santé mentale au sein des communautés asiatiques (en anglais seulement).
  • Apprenez-en davantage sur les événements historiques racistes notamment contre les Asiatiques au Canada grâce à ce guide pédagogique du CCDI (en français).

ANNE-MARIE PHAM, MPA, SHRM-SCP, centre canadien pour la diversité et l’inclusion, Anne-Marie travaille auprès des collectivités et des milieux de travail diversifiés depuis plus de 20 ans. Elle comprend pleinement les enjeux et les opportunités liées à la diversité et l’inclusion et se spécialise dans la mobilisation, l’éducation et le partage des dernières recherches et pratiques prometteuses sur l’équité, la diversité et l’inclusion en milieu de travail. Anne-Marie apporte un ensemble unique de compétences et de perspectives ayant travaillé en tant que responsable de la diversité et de l’inclusion pour Spectra Energy et la ville de Calgary, et en tant que formatrice et facilitatrice pour Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Elle a fourni des présentations dynamiques, de la formation et des services de consultation à des clients d’un large éventail d’industries dans les secteurs des affaires, public et sans but lucratif.

Anne-Marie possède une maîtrise en administration publique (MAP), un baccalauréat en sociologie et une certification de professionnelle confirmée en RH de la Society of Human Resource Management (SHRM). Anne-Marie a aussi obtenu la certification en Inventaire de développement interculturel (IDI).

Anne-Marie est mariée et mère de deux enfants. Elle est une bénévole enthousiaste dévouée à promouvoir l’engagement communautaire, tout en soutenant la participation civique et le perfectionnement du leadership communautaire, en particulier parmi les immigrant(e)s, les minorités visibles, les femmes et les jeunes. En 2013, elle a reçu le prix Queen’s Diamond Jubilee pour son service communautaire. Au mois de décembre 2017, Anne-Marie a été nominée directrice sur le conseil d’administration de la Fondation canadienne des relations raciales (FCRR), une société d’État qui se consacre à l’élimination de la discrimination raciale au Canada.