Le dernier territoire à conquérir en matière de diversité et d’inclusion : la diversité des capacités

Plusieurs employés, dont un en fauteuil roulant, collaborent dans un lieu de travail où les capacités sont diverses.

Au total, 22 % des Canadiens et 26 % des Américains (en anglais seulement) vivent avec une incapacité, pourtant de toutes les personnes âgées de 25 à 64 ans, les personnes ayant une incapacité sont beaucoup plus susceptibles d’être au chômage (41 %) que les personnes « valides » (20 %).

POURQUOI? QUE FAUT-IL CONCLURE DE TOUT CELA ET POURQUOI LES EMPLOYEURS DEVRAIENT-ILS SE SENTIR CONCERNÉS?

Commençons par la terminologie. Il existe un grand débat sur le lexique utilisé pour parler de la diversité des capacités et de nombreux employeurs n’ont pas la moindre idée des mots qu’ils devraient utiliser pour se montrer inclusifs.

Selon le dictionnaire Miriam Webster, le mot « capacité » [« ability » en anglais »] est défini comme étant « la qualité ou l’état d’être capable », tandis que le mot « incapacité » [« disability » en anglais] se réfère à un « problème physique, mental, cognitif ou de développement qui altère, perturbe ou limite la capacité d’une personne de s’engager dans certaines tâches ou actions ou de participer à des activités et interactions quotidiennes courantes. »

Voyez-vous la différence entre ces deux définitions? La première ne porte aucun jugement. La capacité est. Tout simplement, et il y a divers degrés de capacité. La deuxième utilise des mots comme « altère », « perturbe » et « limite ». D’un point de vue historique, le préfixe « in » [ou « dis- » en anglais] tire son origine du latin pour indiquer « l’absence » ou « le contraire de » quelque chose. Par conséquent, le mot « incapacité » se réfère en fait à l’absence ou au contraire de la capacité. En soi, la terminologie est conçue pour laisser entendre qu’une personne ayant une capacité différente est d’une façon ou d’une autre inférieure. Je m’abstiendrai même de me donner la peine de donner une définition du mot « handicap » puisqu’elle est insultante, désuet et n’appartient qu’au golf.

La diversité des capacités fait référence à « … une variété de capacités et d’incapacités. Les différences de capacités cognitives, socio émotionnelles et physiques s’ajoutent à la diversité des capacités. » Autrement dit, nous possédons tous des capacités différentes, et aucune n’est « meilleure » que l’autre. Être « valide » ne vous rend pas « normal », cela vous rend « ordinaire », car on rencontre tout simplement un plus grand nombre de personnes valides que de personnes qui ne le sont pas.

Une partie du défi qui se pose à nous est que le terme « incapacité » est ancré dans la Loi, dans des lois comme la Loi sur l’équité en matière d’emploi, la Americans with Disabilities Act, ainsi que toutes les lois sur les droits de la personne et le projet de Loi canadienne sur l’accessibilité. Le mot est tellement utilisé qu’il est devenu un élément acceptable de notre lexique.

Moi-même, je m’identifie comme ayant une incapacité, en grande partie parce qu’il est beaucoup plus facile de dire « je vis avec une incapacité » que « je vis avec une diversité des capacités ». La différence dans mon cas, c’est que je ne considère pas ma capacité divergente comme une gêne, une perturbation ou une limitation de quelque façon que ce soit. D’une certaine façon, je me réapproprie le mot comme une marque d’honneur, comme si je disais : « oui, je vis avec une incapacité… quelle différence est-ce que ça peut vous faire? »

La langue est une chose amusante dans le sens où elle peut être incroyablement puissante. Avec un simple mot, vous pouvez rabaisser une personne et la laisser se sentir exclue, ou vous pouvez la valoriser et vous assurer qu’elle se sent incluse.

Prenons l’exemple du mot « fauteuil roulant ». Nous parlons des personnes qui présentent des différences sur le plan de la mobilité, de celles qui utilisent un fauteuil roulant, comme étant « en fauteuil roulant », le mot clé étant « en » comme si le fauteuil roulant était une partie de leur corps. Or ce n’est pas le cas. Il s’agit simplement d’un dispositif utilisé pour gagner en mobilité. Tout comme les chaussures. Les personnes capables de marcher par elles-mêmes utilisent des chaussures pour s’assurer qu’elles ne s’abîment pas les pieds, pourtant nous ne les appelons pas des « personnes en chaussures ». Ce ne sont que des personnes.

Une autre partie du défi que pose l’inclusion de la diversité des capacités est le concept d’adaptation. Lorsque nous pensons aux personnes ayant des capacités variées, nous réfléchissons souvent à la façon dont nous allons devoir nous adapter à elles si et quand nous les embauchons. Il se peut que nous devions modifier des choses comme les ascenseurs, les rampes, la signalisation, l’éclairage, etc., pour nous assurer que ces personnes peuvent accéder à nos locaux.

Mais dites-moi : est-ce que vous apportez votre propre fauteuil pour travailler? Bien sûr que non ! Ce serait absurde. Les employeurs fournissent des fauteuils, car c’est exactement ce dont les gens ont besoin. Pourtant, environ 288 800 Canadiens et 2,7 millions d’Américains utilisent un dispositif d’aide à la mobilité à roues. Ils n’ont pas besoin d’un fauteuil. Alors, ce fauteuil que l’employeur fournit n’est-il pas une forme d’adaptation? Si l’employeur ne le fournissait pas, les gens devraient se tenir debout ou apporter leur propre fauteuil. Non?

Tout est une mesure d’adaptation d’une façon ou d’une autre. La personne à laquelle on s’adapte (la majorité ou la minorité) change notre façon de percevoir cette adaptation, qu’il s’agisse d’une « exigence » ou d’un « agrément ». Si les lumières s’éteignent, les personnes ayant une déficience visuelle peuvent souvent continuer à travailler. Quel est le problème chez ces personnes voyantes? La lumière est-elle une forme d’adaptation? (Indice : oui)

Pourquoi les employeurs devraient-ils s’en soucier? Pour parler simplement : le talent. Environ un quart de la population vit avec une capacité différente d’une façon ou d’une autre, ce qui représente un énorme bassin de talents pourtant sans emploi et sous-employés. Cela ne tient pas compte du pourcentage de la population qui a des « invalidités épisodiques » (c’est-à-dire qui vont et viennent sans être nécessairement permanentes), par exemple le nombre de personnes qui ont connu des problèmes de santé mentale en raison de la COVID-19.

Même avec la pandémie actuelle qui cause l’effondrement de certaines industries, l’économie du savoir subit toujours une pénurie massive de talents. Les employeurs ne sont pas en mesure de laisser passer la moindre occasion dans leur recherche de talents. Mais pour être en mesure d’attirer et de conserver en poste des personnes aux capacités variées, ils doivent s’assurer d’adopter un comportement inclusif.

VOS MÉTHODES DE RECRUTEMENT EN DISENT LONG SUR VOTRE PERSONNALITÉ EN TANT QU’EMPLOYEUR

Avez-vous déjà pensé que votre processus de recrutement pouvait être un obstacle à l’accès à l’emploi? Réfléchissez à ces questions :

  • Votre site Web est-il accessible et respecte-t-il les normes d’accessibilité les plus élevées prévues dans les Règles pour l’accessibilité des contenus Web (WCAG)? (en anglais seulement) Si vous ne savez pas de quoi je parle, on peut affirmer sans risque que la réponse est non.
  • Demandez-vous aux candidats s’ils ont besoin de mesures d’adaptation quelconques dans le cadre du processus d’entrevue ou laissez-vous au candidat le soin de faire une « demande spéciale »?
  • Fournissez-vous des questions aux candidats à l’avance afin qu’ils puissent se préparer?
  • Posez-vous des questions normalisées en vous assurant que chaque candidat se voit poser les mêmes questions? Ces questions sont-elles fondées sur les compétences et les capacités requises pour faire le travail?
  • Menez-vous des entrevues par panel ou faites-vous revenir le candidat continuellement?

Le processus de recrutement est parsemé d’obstacles, surtout pour les personnes présentant des capacités variées. La question la plus importante que vous devez toutefois vous poser est la suivante : vos recruteurs et vos gestionnaires responsables de l’embauche sont-ils prêts à faire face à des personnes qui ont des capacités variées? Savent-ils ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas demander? Savent-ils comment agir pour s’assurer de ne pas aliéner une personne? Considèrent-ils la diversité des capacités comme un atout plutôt qu’une gêne ou une exigence? Si vous ne savez pas, voici le point de départ de votre travail.

COMBIEN D’ÉTAPES?

De nos jours, il est ridicule de devoir poser cette question, mais vos installations sont-elles accessibles à tous? C’est ahurissant de constater que les gens ne savent tout simplement pas ce que cela signifie. Lorsque nous étions à Calgary en train de visiter des édifices pour trouver un nouveau bureau, le nombre de bâtiments qui n’étaient pas accessibles même si le courtier immobilier affirmait qu’ils l’étaient… J’en ai perdu le compte. Non, le fait que la seule entrée accessible à tous consiste à traverser le garage n’est pas acceptable.

L’accessibilité est une question de dignité, et à ce stade de notre évolution sociale, elle devrait être la norme. Mettez-vous à la place d’une personne aux capacités variées et posez-vous la question suivante : la situation est-elle acceptable selon vous? Si la seule façon d’entrer dans votre bureau consistait à contourner les poubelles, en seriez-vous satisfait? Si la seule salle de bain que vous pouviez utiliser vous obligeait à descendre 25 étages, l’effort serait-il acceptable selon vous?

Les personnes présentant des capacités variées sont habituées à devoir s’adapter à une grande variété de situations simplement pour fonctionner dans la société. Et on ne devrait tout simplement pas exiger cela. Examinez vos installations du point de vue de l’accessibilité et décidez s’il existe des obstacles à l’accès pour quiconque, puis éliminez-les.

L’ÉDUCATION EST LA PORTE D’ENTRÉE DE L’ÉVOLUTION

Pour évoluer, pour devenir vraiment inclusifs, nous avons besoin d’éducation pour nous aider à comprendre que nous possédons tous des capacités différentes, que tout est une mesure d’adaptation et que nous devons appliquer la règle de Platine (en anglais seulement) : traitez les autres comme ils le souhaitent et comme ils ont besoin d’être traités.

Nous devons comprendre que chacun a des besoins et des désirs différents. Personne n’est pareil. En nous éduquant, nous nous rapprocherons de cet objectif. En traitant chacun comme il a besoin d’être traité, nous créons progressivement des milieux de travail véritablement inclusifs où chacun peut réussir.

MICHAEL BACH, Professionnel de la diversité certifié par Cornell, pratiquant avancé (CCDP/AP), Michael Bach est reconnu comme un leader d’opinion et un expert dans les domaines de la diversité, de l’inclusion et de l’équité en matière d’emploi. Il apporte à son travail une vaste connaissance des pratiques de pointe en milieu réel. Il possède une expérience approfondie dans le développement de stratégies, l’engagement des parties prenantes, la formation et le développement, la recherche, le développement et l’exécution de solutions, l’engagement des employés, l’analyse de données, la mesure et les tableaux de bord de la diversité, les stratégies de recrutement ciblées, le marketing et les communications, les groupes de ressources des employés, les conseils de la diversité et la diversité législation connexe. Michael a été récompensé à maintes reprises pour son travail, notamment comme l’une des champions canadiens de la diversité 2012 de Women of Influence. En 2011, il a été honoré à titre de champion de la diversité avec le prix Catalyst Canada Honors Human Resources / Diversity Leader. Il a également reçu le prix Inspire 2011 en tant que personne LGBTQ de l’année et le prix 2011 Out on Bay Street Leaders to be Fier of LGBT Advocate Workplace Award. Michael est titulaire d’un certificat d’études supérieures en gestion de la diversité de l’Université Cornell et détient également le titre de professionnel de la diversité certifié Cornell, praticien avancé (CCDP / AP). Il est également l’auteur de Bird of Feather.